RUSSE (PLATE-FORME)

RUSSE (PLATE-FORME)
RUSSE (PLATE-FORME)

La plate-forme ou, plus justement, la «dalle» russe fait partie de la vaste plate-forme qui occupe tout l’est et le nord-est de l’Europe («plate-forme d’Europe orientale» de A. Arkhangelski; «Fenno-Sarmatie» de H. Stille et S. von Bubnoff) avec extension vers l’ouest (« plate-forme européenne » de A. Bogdanoff). Elle en constitue la partie où la couverture sédimentaire est largement représentée, par opposition aux boucliers baltique [cf. SCANDINAVIE] et ukrainien, dans lesquels le socle affleure sur de vastes étendues. Ainsi définie, la dalle russe déborde en fait largement les limites de la «plaine russe» des géographes (cf. u.r.s.s. ET EX-u.r.s.s. Géographie); elle comprend notamment comme annexe tout ou partie de la plaine germano-polonaise (cf. plaine GERMANO-POLONAISE). Alors que les boucliers représentent des régions restées soulevées durant toute leur histoire géologique, stabilisées en régime de lent mouvement ascendant, les dalles ont constitué au cours de leur évolution des aires de subsidence. La structure de la dalle russe rend bien compte de ces mouvements verticaux descendants. Sur un socle cristallin précambrien (Archéen et Protérozoïque), semblable à celui qui affleure en Scandinavie, reposent des séries sédimentaires, généralement marines, dont l’âge s’échelonne du Néoprotérozoïque (Vendien) au Cénozoïque (Tertiaire et Quaternaire), avec parfois des venues volcaniques.

L’évolution de la dalle russe ne pouvant se comprendre que dans le cadre de la plate-forme européenne, les caractères généraux de cette dernière seront évoqués tout d’abord. Les éléments structuraux qui la composent sont définis suivant des caractéristiques interdépendantes: structure et surface du socle cristallin, structure de la couverture de plate-forme.

Caractères généraux de la plate-forme européenne

La plate-forme européenne est l’une des vieilles plate-formes de la Terre qui constituent le corps des continents, avec une croûte «granitique» épaisse (30-45 km). Elle affecte la forme d’un triangle aux angles effondrés mais aux côtés rectilignes, correspondant à des systèmes d’accidents très profonds et très anciens (compte tenu cependant du chevauchement des Calédonides sur la marge nord-ouest). Partout, elle est encadrée de chaînes plissées (cf. EUROPE-Géologie, pl. II) d’âges divers: varisque à l’est (Oural); calédonien au nord-ouest; baïkalien (= cadomien) au nord (Timan, île Kildin, péninsules de Rybatchi et de Varanger); enfin, sur la bordure méridionale (Europe moyenne, Carpates, Caucase), calédonien, varisque ou alpin selon les points. Divers auteurs considèrent cependant le Timan comme un système plissé intracratonique, au-delà duquel la plate-forme ancienne se poursuivrait sous la plaine de la Petchora et la mer de Barents, jusqu’à la Nouvelle-Zemble.

La majorité des auteurs admettent de même, avec A. Bogdanoff (fig. 1), que la plate-forme se prolonge jusqu’en Angleterre centrale par la région d’affaissement péricratonique de la mer du Nord et de la plaine germano-polonaise, région où l’on constate, comme dans la fosse précaspique, des modifications de structure de la croûte (couverture sédimentaire pouvant dépasser 12 kilomètres de puissance, relèvement du «Moho»). Certains môles ont échappé, totalement ou en partie, à l’affaissement (bombement danois, Midlands anglais). Un autre trait commun aux angles affaissés ouest et sud-est est l’existence d’épaisses séries salifères avec tectonique saline (halocinèse) généralisée.

Terrains du socle

Le socle de la plate-forme européenne est composé de puissantes séries sédimentaires et volcanogènes diversement métamorphisées (Archéen et Protérozoïque). Ces complexes sont subdivisés de la façon la plus distincte dans la Scandinavie, où ils apparaissent en affleurements. Grâce aux données géophysiques et à celles du très grand nombre de forages poussés jusqu’au socle, on a réussi à effectuer une subdivision assez nette également dans la dalle russe. La majeure partie du socle y est composée de complexes précambriens anciens, alors que le socle des régions occidentales de la plate-forme européenne est formé par des roches plus jeunes (fig. 2).

On distingue dans le socle les complexes métamorphiques et plutoniques suivants:

– Le complexe archéen («biélomorien») est constitué de gneiss, granitogneiss, granulites très anciens (de 漣 3 100 Ma, et peut-être plus, à 漣 2 900 梁 100 Ma) et forme des noyaux anciens de dimensions diverses.

– Les complexes protérozoïques précoce et moyen (Carélien et Svécofennien) sont constitués de différentes roches volcaniques métamorphisées (porphyritoïdes, porphyroïdes, leptites, schistes verts et cristallins) et de roches sédimentaires (schistes, dolomies, marbres, quartzites), de puissance parfois très grande et de succession stratigraphique variée (de 漣 2 900 梁 100 Ma à 漣 1 750 梁 50 Ma). À ces séries sont liés des massifs plutoniques de roches ultrabasiques, basiques, intermédiaires et acides. Ces formations ont subi un plissement énergique et constituent des zones arquées qui contournent et parfois envahissent les noyaux archéens anciens consolidés. Aux complexes caréliens et svécofenniens sont associés d’importants gîtes de fer et d’autres métaux (Suède, Ukraine, Koursk).

– Dans les régions centrales et occidentales de la plate-forme européenne (Suède méridionale, îles Åland, massif de Vyborg, Ukraine) sont largement développés des molasses volcanogènes et les granites «rapakivi» (début du Protérozoïque tardif ou Gothien). Ce complexe orogénique typique achève la formation de la majeure partie du socle de plate-forme.

Dans l’ouest de la plate-forme (Grande-Bretagne, Norvège méridionale, Suède du Sud-Ouest, partie orientale de la plaine germano-polonaise, Danemark), le socle métamorphique ancien est fortement repris au milieu du Protérozoïque tardif (de 漣 1 000 à 漣 670 Ma = Daslandien). À cette époque existaient dans le sud-ouest de la Suède (lac Vänern) les conditions favorables à la formation d’une puissante série plissée de schistes et de granites (massif de Bohus). Lui correspondent en Grande-Bretagne l’orogène et le complexe de Mona ( face=F0019 漣 1 000 梁 50 Ma) ainsi que les horizons inférieurs du Torridonien, de l’Uriconien, du Charnien, etc.

Ainsi, les stades finals de la formation du socle de plate-forme couvrent une énorme période géologique. Le processus de la consolidation se déplace dans le temps de l’est à l’ouest.

Tectonique du socle

Le socle apparaît essentiellement à la faveur de deux soulèvements: celui du bouclier baltique et celui du bouclier ukrainien (dit aussi massif de Podolie-Azov). Alors que le premier [cf. SCANDINAVIE] a des bords bien dessinés ainsi qu’une pente douce (0030 à 30), et que la couverture s’y est conservée dans seulement quelques grabens (lacs Vättern, Siljan, d’Onega) et dans des fossés peu profonds (golfe de Botnie, notamment) sous forme de sédiments précoces (Jotnien, Sparagmite, série varégienne, Paléozoïque inférieur) d’une puissance de quelques centaines de mètres, le bouclier ukrainien, beaucoup moins vaste, est une sorte de lambeau du gigantesque bouclier sarmatien qui avait existé aux premiers stades de l’évolution de la dalle russe (fig. 3), lambeau dont le bord nord-est s’effondre en failles, tandis que ses bords ouest et sud sont relativement peu inclinés. De vastes surfaces en sont cachées sous une pellicule (quelques dizaines de mètres) de sédiments paléogènes.

La surface du socle de la dalle russe est accidentée par des sillons linéaires, relativement étroits (quelques dizaines de kilomètres) mais assez allongés (plusieurs centaines de kilomètres) et profonds (3 à 7 km), nommés « aulacogènes », qui se sont mis en place aux étapes finales de la consolidation du socle des régions orientales de la plate-forme européenne, et dont les principaux sont ceux de la Russie moyenne, de Moscou et de la Patchelma. Ils sont remplis de sédiments, en partie volcanogènes, du Protérozoïque ultime (Riphéen) que surmonte une série de sédiments vendiens (Éocambrien) et paléozoïques; au-delà des aulacogènes, ceux-ci se déposent directement sur le socle cristallin (fig. 4). Les dépôts comblant les aulacogènes représentent une sorte de complexe intermédiaire entre le socle et la couverture. Ils se distinguent des séries de la couverture par le nombre plus élevé de dislocations, par la présence des séries volcanogènes et, parfois, par un faible métamorphisme.

Dans les limites des dalles se distinguent nettement de vastes zones de subsidence (synéclises) et de larges voûtes à structure très différente (antéclises). Parmi les synéclises les plus importantes de la dalle russe, on peut citer celle de Moscou, située en son centre (fig. 4), et la fosse précaspique au sud-ouest. Dans la première, le socle se trouve à une profondeur de 2 à 3 km, tandis que, dans la seconde, il s’ennoie jusqu’à 18 ou 19 km de la surface: il faut voir ici un affaissement qui s’est poursuivi à travers toute l’évolution de la plate-forme. D’après les très nombreuses données sismiques, les horizons inférieurs de l’écorce terrestre subiraient sous cette zone une basification et, dans la partie centrale, la croûte granitique s’amincirait jusqu’à faire place à la couche basaltique. Les antéclises représentent, pour leur part, des soulèvements souvent complexes et accidentés. La plus vaste est l’antéclise Volga-Oural, située à l’est de la dalle russe. La puissance de sa couverture varie de 1 700 à 2 100 m. La majorité des soulèvements qui la compliquent contiennent de riches gisements de pétrole et de gaz (Paléozoïque). Les antéclises de Voronej et de Mazowsze-Russie Blanche, qui recoupent transversalement la partie méridionale de la dalle, montrent une couverture très réduite (1 à 1,5 km).

Le grand fossé Brest-Pripiat-Donetz, de structure tout à fait originale, s’étire sur 1 500 km à travers la région sud de la plate-forme et sépare le massif ukrainien du reste du territoire. Ce fossé, mis en place au Dévonien dans le vieux bouclier sarmatien, ressemble par sa structure aux aulacogènes anciens. Son extrémité sud-est perce le bord sud de la dalle et y laisse pénétrer la chaîne varisque du bassin houiller du Donetz.

La couverture

Sédiments

La couverture sédimentaire, qui représente l’essentiel de la dalle russe, est composée de roches d’âges divers: Vendien, Paléozoïque, Mésozoïque, Cénozoïque (cf. EUROPE-Géologie, pl. III). Leur puissance augmente brusquement dans les dépressions du socle et diminue sur les parties soulevées. La composition lithologique de la coupe montre les caractères suivants.

Les dépôts vendiens, cambriens, ordoviciens et siluriens sont principalement composés de conglomérats, surtout d’argiles et de grès, surmontés de calcaires. Ils ont rempli un vaste fossé, allongé latitudinalement, des pays baltes aux piémonts du Timan. Un autre fossé a existé à la même époque dans le sud-ouest de la plate-forme; il s’étirait depuis la Suède du Sud (Scanie), en Pologne (Swietokrzyskie) et, plus loin au sud-est, jusque dans la région du Dniepr, en longeant les bords du massif ukrainien. Cette région a le style d’une zone plissée intracratonique et s’apparenterait aux aulacogènes.

Les dépôts dévoniens sont composés, au voisinage des môles, de roches rouges continentales, du type «Vieux Grès rouges», et, dans les fossés, de faciès carbonatés, marins, et salifères, lagunaires. Le Carbonifère montre des profils très variés. Près du bouclier baltique, ce sont des faciès terrigènes continentaux; dans l’est de la plate-forme, la série entière est composée de calcaires. Au sud (bassin du Donetz) aussi bien qu’à l’ouest sont largement développées des séries houillères. L’achèvement du plissement de l’Oural modifie, au Permien, la paléogéographie, jusque-là caractérisée par des transgressions variables sur la plate-forme à partir de l’orogène ouralien.

Les dépôts permiens et triasiques, mis en place durant les phases finales varisques, montrent une extrême diversité. Outre les calcaires, ce sont les séries salifères et les molasses rouges (tardives) qui sont les plus développées. Les séries salifères atteignent une très grande puissance dans la fosse précaspique (près de 4 000 m) et dans le fossé péricratonique de la mer du Nord et de la Pologne; elles constituent un vaste domaine d’halocinèse et comportent de nombreux gîtes de minerais utiles (pétrole, gaz, sel gemme, potasse, magnésie, borates, etc.).

Les dépôts du Jurassique et du Crétacé inférieur sont largement développés dans le sud de la plate-forme, où ils présentent des faciès marins avec le plus souvent des argiles et parfois des sables glauconieux. Le Crétacé supérieur et le Paléogène sont représentés par des sédiments marins gréso-argileux, cédant quelquefois la place à des sédiments carbonatés ou siliceux. Ils atteignent une puissance et une extension considérables dans le sud de la plate-forme et à l’emplacement de la mer du Nord, où ils ont rempli un vaste fossé d’orientation méridienne. Sur la marge méridionale de la plate-forme, le Paléogène et le Néogène, composés de faciès marins ou continentaux (souvent houillers), dominent. Dans certaines dépressions (par exemple, précaspique), ce sont les dépôts quaternaires marins et continentaux qui jouent le rôle le plus important.

Formations volcaniques

Des formations volcaniques existent, ici ou là, dans les séries composant la couverture. Les basaltes vendiens sont développés dans le nord-ouest du bouclier ukrainien. Les roches effusives du Dévonien supérieur ont envahi de vastes territoires à la périphérie des grands môles: ce sont les séries volcaniques du bassin du Donetz, du massif de Vorone, du Timan, etc. Les roches magmatiques à apatite des Khibiny (péninsule de Kola) ont le même âge. Dans le Permien, un volcanisme énergique est lié aux mouvements qui ont eu lieu dans le graben d’Oslo. Au Jurassique se manifeste l’apparition de quelques foyers volcaniques dans le massif ukrainien. Comme dans toute la plate-forme européenne, l’activité volcanique est liée à l’évolution des diverses structures, et on constate l’absence du magmatisme de trapps, typique des plate-formes sibérienne, indienne et sud-américaine qu’il envahit simultanément.

Encyclopédie Universelle. 2012.

Игры ⚽ Поможем сделать НИР

Regardez d'autres dictionnaires:

  • plate-forme — plateforme ou plate forme [ platfɔrm ] n. f. • XVe; de 1. plat et forme I ♦ 1 ♦ Terre plein, surface plane, horizontale, plus ou moins surélevée (ex. balcon, belvédère, estrade, étage, mezzanine, palier). Toit en plateforme. ⇒ terrasse. Des… …   Encyclopédie Universelle

  • FORME — L’histoire du concept de forme et des théories de la forme est des plus singulières. Nous vivons dans un monde constitué de formes naturelles. Celles ci sont omniprésentes dans notre environnement et dans les représentations que nous nous en… …   Encyclopédie Universelle

  • plates-formes — ● plate forme, plates formes nom féminin Étendue de terrain relativement plane, située en hauteur par rapport au terrain environnant. Partie d une voiture de transport public (chemin de fer, tramway, autobus) servant à l accès des voyageurs,… …   Encyclopédie Universelle

  • EUROPE - Géologie — L’usage fait de l’Europe un continent ; en réalité, celle ci constitue une partie de l’Eurasie, avec laquelle elle est en continuité de l’Ancien Monde – puisque l’Afrique n’est pas complètement séparée de l’Eurasie –, et nombre de ses affinités… …   Encyclopédie Universelle

  • ASIE - Géographie physique — L’Asie est le plus vaste des continents: 44 millions de kilomètres carrés. Elle s’étend sur 75 degrés de latitude et, en tenant compte des îles, sur 92 degrés (de la Severnaïa Zemlia, ou Terre du Nord, 810 de latitude nord, à l’île Roti, 110 de… …   Encyclopédie Universelle

  • International Space Station — Station spatiale internationale Pour les articles homonymes, voir ISS. Station spatiale internationale …   Wikipédia en Français

  • Station Spatiale Internationale — Pour les articles homonymes, voir ISS. Station spatiale internationale …   Wikipédia en Français

  • Spacebus — Eurobird 1, un Spacebus 3000B2 Caractéristiques Organisation Th …   Wikipédia en Français

  • SIBÉRIE — La Sibérie est un prolongement de la grande plaine européenne couverte par la taïga. Jusqu’au XVIIIe siècle, on a appelé Sibérie les territoires qui s’étendaient au delà de la Volga. La colonisation des pays entre Volga et Oural en a fait reculer …   Encyclopédie Universelle

  • RUSSIE (géographie) — En 1985, Mikhaïl Gorbatchev engageait l’U.R.S.S. dans la perestroïka, nouvelle politique qui se transforma bien vite en séisme géopolitique pour le continent européen. En 1989, les démocraties populaires s’effondraient. En 1990 et 1991, l’U.R.S.S …   Encyclopédie Universelle

Share the article and excerpts

Direct link
Do a right-click on the link above
and select “Copy Link”